Poème de Jean-Marie Plantin
Je suis l’artiste
Peinture abstraite de Jean-Marie Planti
Au cœur de mon être, l’art s’épanouit,
Telle une plume légère, mon esprit s’enfuit.
Je suis l’artiste, créateur de mon monde,
Dans mes rêves, l’inspiration se féconde.
Je trace des lignes avec audace,
Sur la toile blanche, je laisse ma trace.
Couleurs se mêlent, dansent et s’unissent,
Révélant mon âme, mes passions qui luisent.
Je suis le maître des formes et des contrastes,
Dans chaque tableau, mon esprit se détache.
Les ombres et les lumières, je les apprivoise,
Pour révéler l’émotion, qu’elle soit douce ou grise.
Je façonne la matière de mes mains habiles,
Donnant vie à des œuvres subtiles.
Le fer se plie à mes désirs ardents,
Et le bois se transforme en un chant vibrant.
Je suis le poète des mots qui s’enlacent,
Dans mes vers, les émotions se délassent.
Les rimes s’entrelacent, dansent en harmonie,
Et mes mots peignent des images infinies.
Je suis synesthète, mon âme est en symphonie,
Les notes s’envolent, portées par ma mélodie de couleurs.
Le piano, la guitare, le violon me guident,
Dans un univers sonore où mon être se tisse.
Je suis l’artiste, un voyageur sans frontières,
Mon imagination est une terre entière.
Je traverse les époques, les cultures, les éthers,
À la recherche de la beauté, de l’univers.
Dans chaque création, je me révèle,
Je suis l’artiste, une âme qui étincelle.
Mon pinceau, ma plume sont mes alliés,
Pour exprimer ma vérité, mes éclats de gaieté.
L’art est mon refuge, mon langage intime,
Il transcende les limites et fait naître l’estime.
En tant qu’artiste, je suis libre et sans entraves,
Je crée, j’exprime, je vis, je suis l’art qui brave.
Dans chaque œuvre, je dépose une part de moi,
Une empreinte unique qui ne s’efface pas.
Je suis l’artiste, un être en perpétuelle quête,
À la recherche de la beauté qui se répète.
Que mes créations touchent les cœurs sensibles,
Qu’elles éveillent les âmes, les rendent plus visibles.
En tant qu’artiste, je suis humble et passionné,
Et mon art, à jamais, restera mon hérité.
—Jean-Marie Plantin
Poèmes de Guillaume-Suprice
Passage de ses lunes dans ta main
(À Perpétue S., Dary J-C., mes amis de longue date, Kettler S. et Yvonne S., mon frère et ma sœur, pour un peu plus de vitalité dans nos campagnes d’enfance)
Il y a encore là-bas, offerts à un peintre dans une cour de rêve, l’arbre roux d’une brise en spectacle, un bougainvillier tout garni, de la rosée sur un flamboyant de cerisier, invitation à tout casser pour la vue, le goût et le toucher dans un bassin de bonté, près de ta maison, au quatrième balcon du vent, à côté d’un parc d’apaisement.
L’oiseau d’un paradis monte à la tête du peintre rêvant, à la vue d’un quart de ton île en réalité, dans la cour aux millions d’arbres qui poussent dans tes mains, de fleurs qui gazouillent à ton sourire, de plantes qui enrobent l’air des payses au perchoir de ton courage, qui enjolivent leurs batailles au quotidien pour la dignité, et tout plein de papillons parfumés rien qu’à côtoyer leurs mangues matures au marché du coin.
Quand tu auras trouvé ce ciel sans couverture, non loin d’un port-bonheur-pour-tous, il y a deux ombres qui n’auront qu’un pas ou deux à inventer, rien que ça tout à fait, pour être aux anges, à la nage entre des eaux de canne à sucre, entre des îlets sans tiraillements ni désagréments, assez loin d’une faille aux désillusions sans nombre, en quête d’une musique de ramiers dans tes murmures d’amitié, d’un apéritif contre la turpitude tout au fond d’un puits du terroir.
(Montréal-Nord, le 28 mars 2024)
Sans titre
Quand ses lunes au corps
invitaient ta main de soleil à l’abandon
à une chute en douceur sur leurs boutures d’avril
tu étais à plusieurs espaces-temps ici
et tout autant ailleurs de penser...
d’imaginer une telle intensité d’atmosphère
sur son entièreté en chaleur.
Quand ta main de soleil
sous ses lunes au corps
à leur invitation s’abandonnait
chute en douceur sur leurs boutures d’avril
elle était toujours là
athlète d’exception
fidèle au jeu surtout
et encore bien plus avec ardeur
quand ça rimait avec tennis ou autre sport.
Tu t’es placé à son ubac
toi jouant clarinette
elle faisant ses vocalises
sans que le public ne voie
ni rien n’entende de vos accords
Soledad et toi
au passage d’un brouillard d’abnégation
lors d’un concert des dieux
dans une caravane de touristes
parmi les feulements d’une journée pas comme les autres
et de vos animaux soudain en froide sueur.
(Montréal-Nord, le 8 avril 2024)
—Lenous Guillaume-Suprie
Poèmes de Danielle Legros Georges
Poème pour le pays le plus pauvre de l’Hémisphère occidental
Ô pays le plus pauvre, ce n’est pas ton nom.
Tu devrais être appelé phare et flamme,
amande et bougainvilliers, jardin
et verte montagne, villa et hutte,
fillette avec des rubans rouges dans les cheveux,
des livres sous le bras, charmée par la lumière du matin,
marchande de charbon en jupe noire,
entourée d’arbres morts.
Toi, pays, tu es la femme marchande
et la vendeuse enthousiaste, le grand-père
au portail, au carrefour
portant la lampe de poche, portant la lumière,
portant la lumière.
Une croyance
(Haiti 2010)
Ceux qui connaissent mieux la liberté
sont ceux qui ne sont pas libres
ou ceux qui n’ont pas été libres
ou ceux qui n’ont pas pu vivre.
Prison. Cellule réelle.
Barreaux derrière lesquels on s’enferme
soi-même. Cicatrices, et en-dessous d’elles
la chair encore tremblotante.
Le besoin vital de respirer.
Germe et bûcher. Étoiles
et ciel enflammés. Le tournant,
retournant tout en poussière. L’Air.
Un trou foré au travers
du toit bleu d’une tente.
Le ciel bleu du jour tourbillonnant.
Tourbillonnant.
Volonté. Force. Cette chose
qui vous empêche de mourir.
Un million, million, million
de questions. Une absence
d’antécédents. Une franchise.
Une tension. Une fleur rustique,
grossière éclosion,
se reproduisant.
—Danielle Legros Georges, traduit de l’anglais par Patrick Étienne, tirés de l’anthologie trilingue Cette terre, mon amour, éd. Trilingual Press, 2023
Poème de Mario Malivert
Trop plein
Port-au-Prince
qui penche et balance sous le poids des pieds
que de pieds trop de pieds
des gens qui viennent d’ailleurs
des fils de Jean-Rabel et du Mole Saint Nicolas
qui délaissent la terre
en quête du jet rapide de la ville
les maisons se dressent dans le lit des ravines
murs effondrés dans les grandes pluies
jus de béton dans les eaux
les cercueils sous les nuages gris
les canaux quels canaux
les égouts quels égouts
mais la marche continue dans les rues poussiéreuses
De la cité des princes
en quête de l’or enterré sous le sable des trottoirs
que de temps perdu
la masse grise du cerveau
s’engloutit dans l’attente des gratte-ciels
les mêmes silhouettes se déhanchent
du matin au soir
les mêmes demoiselles à la démarche lascive
exigent le regard
les idées mort-nées des intellectuels de fortune
des savants sans tonnelle
assis sur des capots de voitures
des jeunes gens qui ne trouvent rien
à faire
mais de poursuivre l’extase des jeux insolites
mais de succomber à l’attrait de la chair
panacée des jours d’ennui
exutoire des longues heures monotones des nuits chaudes
le repas des temps creux se sert
en vague
carnaval de mauve et gris
marée de chauve-souris
zigzague
des secondes-cendres
fouillis des sachets de plastique
papiers noircis de boue
tendons de poulets au cou tordu
pour le repas du dimanche
le fatras qui nous hante
la fumée qui danse dans sa robe violette
senteur nauséabonde de la chair gâtée
l’enfant qui tourne son cercle autour du tas
ceux qui ont vécu toutes leurs vies
dans cette vie de rues défoncées
iront tout droit au paradis
ceux qui ont bu la coupe amère
des jours sans but
Lazare des temps modernes
reposeront à coup sûr
sur le sein d’Abraham.
—Mario Malivert, tiré de l’anthologie trilingue Cette terre, mon amour, éd. Trilingual Press, 2023)
Poèmes de Fred Edson Lafortune
Impossible
tu me regardes dans le rétroviseur
sans rien dire
nos yeux se croisent dans le mouvement du temps
dans le silence de tout ce qui nous empêche d’aimer
tu ne me regardes plus
tu t’en vas
tu laisses un grand vide
dans mon âme.
Qui es-tu ?
J’ai commencé à grandir
Sans toi
Un jour je me suis levé
Je t’ai retrouvé à la maison
Je voulais plaisanter avec toi
Jouer avec toi
Rire avec toi
Je voulais que tu m’apprennes à ne pas tomber
Quand la chaîne de mon vélo s’est cassée
Mais la vie ne nous a pas donné ce cadeau
Un jour nous avons fait du cerf-volant
Mais c’était la dernière fois
Un autre jour nous avons mangé au restaurant ensemble
C’était la dernière fois aussi
Qui es-tu papa ?
J’ai grandi et tu ne me connaissais pas
Tu as vieilli et je ne te connaissais pas
Qui es-tu papa ?
C’était la dernière fois aussi
Un autre jour nous avons mangé au restaurant ensemble
Mais c’était la dernière fois
Un jour nous avons fait du cerf-volant
Mais la vie ne nous a pas donné ce cadeau
Quand la chaîne de mon vélo s’est cassée
Je voulais que tu m’apprennes à ne pas tomber
Rire avec toi
Jouer avec toi
Je voulais plaisanter avec toi
Je t’ai retrouvé à la maison
Un jour je me suis levé
Sans toi
J’ai commencé à grandir.
—Fred Edson Lafortune, traduits en français par Maggie Vlietstra, candidate au MFA en traduction littéraire française à l’Université de Boston. Elle est spécialisée dans la littérature contemporaine, Tirés de l’anthologie trilingue Cette terre, mon amour, éd. Trilingual Press, 2023
Poèmes de Marilène Phipps
La Sève
La sève monte aux arbres
pour annoncer aux feuilles
ce que les racines ont entendu
au fin fond de la terre.
Les feuilles le disent alors aux vents
qui le disent aux hommes libres
vivants comme des carillons
pendus au-dessus de grands feux—
les contes du dessous de la terre et des morts se dispersent partout.
Les Cordes
Les cordes résonnent en profondeur
là où gisent les fœtus.
Le jour se retire
pour savourer ce qui fut
et se prépare pour une nuit
qui avance au pas des iguanes.
Les chiens des collines soupirent.
Les mouches font des tâches
de pois noirs sur l’herbe basse.
—Tirés de l’anthologie trilingue Cette terre, mon amour, éd. Trilingual Press, 2023)
Poèmes de Michele Voltaire Marcelin
Le goût des larmes
(in memoriam pour Port-au-Prince)
L’été se faufile entre deux jours
Deux jours à vivre
On les vit à peine ou mal
Dans la faim l’ordure la blessure.
Dans cette ville d’échec et de désastre
Cette ville d’ombre et de barbarie
II y a ceux qui crient et ceux qui appellent
Ceux qui mendient et ceux qui prient.
La vie est à la pluie
La vie est à la détresse
Le jour est sans promesse
Tout a le gout des larmes.
—2009, précédemment publié dans Amours et Bagatelles (Éditions CIDIHCA) et l’Anthologie de la Poésie Haïtienne Contemporaine (Éditions Points.) Tiré de l’anthologie trilingue Cette terre, mon amour, éd. Trilingual Press, 2023)
Poème de Patrick Sylvain
Indignation
Quand s’arrête la musique du cœur,
Meurt l’illumination des yeux des mères,
Leurs lamentations se nichent
Dans les plis de la peau.
Les larmes se transforment en huile
Quand les cierges du deuil
Consument entièrement leurs mèches,
Dans une terre de peuples noirs moribonds
Marchant, leurs âmes indignées
Ils sont incapables de regarder
Leur propre mort corporelle
Comme des trolls bien pourris.
—Patrick Sylvain Tiré de l’anthologie trilingue Cette terre, mon amour, éd. Trilingual Press, 2023)
Poèmes de Jeanie Bogart
Déshabiller l’écriture
Déshabillée de pudeur
je me suis offerte à l’écriture.
esclave de la plume qui vomit et crache
synonymes traqués
adjectifs blessés
les mots en tous points bâtards
se font rebelles
visage à découvert
fesses à nu
l’écriture est en moi
sens dessus-dessous
voyelles enchevêtrées de consonnes
testicules brûlants l’absolu de mes lettres
l’imagination est un monde de ciel
où ma main cherche son absolu.
—Jeanie Bogart tiré de l’anthologie trilingue Cette terre, mon amour, éd. Trilingual Press, 2023
Dans ma peau
(Fille d’Afrique et de Taïnos, la nature est ma demeure, la poésie, mon ancrage...)
J’ai longtemps cherché la route
Vers le moi profond
Non pas les facades
Et les faux-semblants
Les masques
Et les apparats
Me retrouver sans fard
Ni fioritures
Sans accoutrements
Sans faux-semblant
Mais vêtir ma propre douleur
Et les larmes miennes
Avec les cicatrices qui saluent les curieux
Comme un poème perd sa virginité
Sous les coups de boutoir de l’existence
Comme un souffle aux yeux crevés
Qui aura confondu le chemin
De son étouffement
Et de sa finitude
Hors du moi confiné.
(Texte inédit tiré de la page Facebook de l’auteure)
Homme vide
Ta poésie un papier fripé
abandonné sur l’asphalte de ta vie
nostalgie
au coin de tes paupières
la lampe de mes espoirs s’éteint
je m’accroche
aux faibles branches de tes cils
à la futilité de ton amour
ta présence
montagne de solitude
la magie n’existe que sous ta plume
tu n’as rien à offrir
que quelques mots trompeurs
pour quiconque te veut
doit savoir
que l’homme derrière les mots
est insaisissable
il se cherche en permanence
cherche l’introuvable
dépose des fragments de poème
sur les seins des femmes
puis vous abandonne
avec un vide immense
à combler.
Paradoxe
Vivre
J’ai marché sur toutes les mers
Grimpé sur le dos des montagnes
Survolé des continents de malheur
Pour arriver le souffle disloqué
À cette ouverture
Où tout est énigme
Sans hésiter
J’ouvre bien grand les jambes de la vie
Et j’entre sans frapper
Sans laisser-passer
Laissant derrière moi
L’incertitude et ses déboires
Toutes portes closes
J’écoute cogner aux fenêtres opaques
Les tamiseurs d’espoir
Les effaceurs de bonheurs
Les bouchers de l’humanité
Je continue ma randonnée
Sans permission
Dans l’entrecuisse de la vie
L’avenir se suce
Et me voici redevenue fœtus
Dans la matrice de l’être.
—Jeanie Bogart Texte inédit tiré de la page Facebook de l’auteure
Poème de Denizé Lauture
Coups de pilon dans la moelle épinière
C’était un après-midi
Un après-midi à l’heure de l’Angélus
S’approchant glissant donc
Vers la nuit
Un maudit après-midi
C’était un mardi un
Mardi après-midi
Le premier mardi suivant la
Sortie du mardi gras
Un mardi de malheur cordé
Un mardi d’enfer
Il paraît que la terre avait faim
Une faim de mangeurs d’hommes
De buveurs de sang
Il paraît que les entrailles de la terre
Voulaient se nourrir de ses propres entrailles
Il paraît que les tripes de la terre
S’étaient entremêlées
Sa gorge altérée sèche
Il paraît que la terre avait cet urgent
Besoin de se nourrir d’humains
De se désaltérer avec leur sang
Elle s’est donc entortillée
Comme une couleuvre de l’enfer
Se remuait en faisant trembler le sol
Se faufilait en faisant vaciller les rues
Traçant des cercles sur le sol
Comme une bourrique lépreuse
Comme un diable ayant mille mains
Milles pieds comme un
Monstre tentaculaire
Un mulet devenu fou
Ô le maître des eaux Agoué
Avait pourtant protesté
Criant Non !
Mais la terre n’écoutait pas
Elle était devenue muette
Même qu’Ayida Wèdo la belle déesse
Avait à son tour objecté
La terre n’écoutait pas
Elle était devenue muette la terre
Qui avait mis toute pitié de côté
Même quand la belle Simbi des eaux
Orchestra un immense Non !
La terre n’écoutait pas
N’écoutait même pas papa Legpa
Le grand chef des barrières
Sa voix unie à celle de Papa Dambala
Les deux firent exploser un Non !
Comme un tonnerre de voix
La terre n’écoutait pas
La terre les méprisait
Elle s’en moquait la terre
Et elle se mit à ronfler
D’un ronflement retentissant
Plus fort que des coups de canon
Éclatant au-dessus des vagues de
La mer de Jacmel
Un ronflement rappelant
Les mitrailles des orages du ciel
Et ceux qui étaient sur leurs pieds
Ceux qui marchaient
Même ceux qui dormaient
Titubèrent à droite
Et à gauche ensuite
Furent projetés au sol
Ils rampèrent de Port-au-Prince à
Jérémie
Le ciment des terrasses se fendait
En mille morceaux
Facilitant par leurs interstices
Le coulage du sang des femmes
Le passage goulu du sang
Coulant vers les entrailles de la terre
En passant par les entonnoirs de la gorge
Vorace de la terre
Et une avalanche de nuages blancs
Une poudre blanchâtre
Une poudre mortifère blanche
Aspergea toutes les villes
Où enfants et vieux confondus
Vivants comme morts
Devinrent tous des zombis
Criant Au secours !!!
Les gens tombaient tombaient tombaient
Le sang coulait coulait coulait
C’était la saison du mardi gras
La saison du Rara
De notre Rara oui de notre Rara à nous
De notre Rara plongé dans un vide
Un vide fouillé sous un sablier
On n’entendait même pas les
Notes ronflantes des vaccines
Ni les sons des tambours
Non ! On ne les entendait pas
Qui avaient cédé la place
Aux tristes sons des lambis de la mort
Et les yeux demeurés ouverts
Virent partout l’abécédaire de la mort
Virent partout les livres de la mort
Partout les bibliothèques de la mort
Les voiles blanches de la mort
Voguant sur l’étang de poussière
Blanche de la mort
Le sang des Haïtiens s’édifia
En pyramide
Traçant sur le ciel
Des chemins à deux voies
Alignés en zigzag
Traçant des croix dans l’air
Haïtiens pauvres
Haïtiens riches
Leur âme volant
Comme des feuilles de papier
S’infiltrant entre les décombres
Entre les murs effondrés
Entre les meurtrières
Nos pieds comme nos biceps
Nos pieds comme nos jambes
Les muscles comme l’esprit
Enfouraillés enfouis enterrés
Les membres broyés
Broyés par ces machines
Broyeuses de cadavres
Crématistes pulvérisant
Nos corps à travers
Ces machines broyeuses de cannes
De cannes à sucre amer
Nos cadavres alignés sur
Mille trottoirs
Y pourrissant
Alignés aux carrefours de la mort
Aux beaux milieux des rues
Grillés sous les cendres
D’un feu invisible invincible
Nos cadavres réduits petits lézards
Et ceux coiffés par la chance
Enjambèrent nos corps
Nos corps alignés
Jambes ouvertes comme la lettre A
Ou rangées en Y
Ou en L en T en X
Même Haïti
Mon pays comme un cadavre
Étendu
La plante des pieds devenue rouge
Baignée de sang
Les gens allant les mains sur la tête
Les mains suspendues en croix
Bâillonnant nos mâchoires
Le ventre serré
On Tombait des fois
Sur un ami mort un proche
Un parent un enfant mort
Un grand-père une grand-mère
Vous vous imaginez un époux une épouse
Immobiles corps étendus par terre
Les bras en croix
Ô pauvre enfant mon enfant
Les bras en croix
Vous vous imaginez
C’est le christ renversé
Par terre
Nous laissant sa croix où mourir
Croix croix croix
Ici croix là-bas croix
Croix au-delà des frontières
De l’autre côté de la mer
Ah ! Que de croix à porter !
Et nous les portons
Jusqu’à devenir croix nous autres
Suant du sang en les portant
Sur nos épaules
Vomissant du sang
Pissant du sang sous nos croix
Chiant sous nos croix
Ces croix d’avant-hier
Ces croix d’hier
Ces croix d’aujourd’hui
Ces croix de la journée
Ah ! Hautement à haute voix
Disons aux croix du lendemain
Non ! Non ! Non !
Car nous les placerons nos croix
Sur les épaules du Grand Dieu
Sur les épaules de Papa Legba
Sur les épaules de Damballa
Sur les épaules d’Erzulie Freda
De Maître Agoué des eaux
De Ayida Wèdo
Sur les épaules des têtes sans corps
Des esprits sans corps
Nous allons ramasser nos maux
Pour les baigner les plonger
Dans un bain d’odeurs
Et pour les enterrer
Dans une fosse commune
Avec les forces de la vie
Nous planterons un baobab d’amour
Et l’amour aimera la vie
Et la vie aimera l’amour
Et nos enfants grandiront
Avec l’amour de la vie
Et ils aimeront tous l’amour
Ils aimeront le monde dans la vie
Et les vautours cesseront d’attaquer
Les vivants par surprise
Cesseront d’attaquer les faibles
Un coup de pilon nous atteindra
Au beau milieu de la tête
Pour percer en nous la grande
Route de l’amour
Et de la vie en même temps
L’espoir jouant à la marelle
Autour de nous
Nous trouverons notre chemin
Le bon
Car le chemin actuel
C’est celui vers l’enfer
Or étant fils et petit-fils d’une
Grand-mère de la Guinée
De ce pays de l’origine de
Ce pays mangeur de feu
De ce pays dansant au milieu
Des laves d’un volcan
La Guinée volant avec les feux du soleil
Avec elle nous arriverons à port
Oui nous arriverons !
(traduit en français par Josaphat-Robert Large)
—tiré de l’anthologie trilingue Cette terre, mon amour, éd. Trilingual Press, 2023)
Poème de Gary S. Daniel
Tri du Sorgo de la vie
(pour François Eddy Philippe)
Grand-père me punissait toujours
Quand je mentis.
Les politiciens portaient les masques du menteur ;
Ensuite, l’honneur était la boussole.
La mer porte les ordures putrides
Cela gifle la fraîcheur de la brise.
Le pole Nord en train de se sécher
provoque des esprits pour tordre des grimaces laides.
Quelque chose ne va pas
Quelque chose ne colle pas
Quelque chose ne fonctionne pas
Quelque chose est anormale.
La répugnance du peuple
À l’ignorance en nœud papillon rouge,
Réveille leur résolution contre
Les voleurs qui étouffent leur valeur.
—Gary S. Daniel tiré de l’anthologie trilingue Cette terre, mon amour, éd. Trilingual Press, 2023)
Poème de Charlot Lucien
Le sentier du marron
(au Rev. Martin Luther King)
Je connais un sentier qui serpente la montagne
Des vastes champs de canne à ses sommets réputés inaccessibles
Tous près de nuages
Il est marqué d’empreintes profondes
Des pieds d’un nombre incalculable
D’hommes, de femmes et d’enfants
Qui ont voulu fuir la peur,
Les chaînes rouillées autour de leurs chevilles ensanglantées
La honte du fouet sur leurs dos nus bronzés,
Pour atteindre ces sommets invisibles ;
Là, où le moelleux de l’herbe tendre
Accueille leurs corps endoloris,
Où la brise fraîche chantante, calme
Les écorchures rouges de leurs chairs noires,
Et où la liberté les attend dans ses bras accueillants…
Le même sentier existe toujours m’a-t-on dit
Avec les mêmes empreintes indélébiles
Qui invitent à les emprunter
À marcher de nos pied nus et calleux, dans leurs profondeurs…
Au risque d’être rattrapé
Comme par le passé,
Mais avec la certitude
Qu’il mène bel et bien
Aux sommets d’où l’on peut voir
La terre promise
—Tiré de l’anthologie trilingue Cette terre, mon amour, éd. Trilingual Press, 2023)
Poème de Jean-Dany Joachim
Mon pays
Le soleil se hâte de se lever chaque matin,
Quel pays, je fais ce qui me plaît !
Les étoiles ne manquent jamais la nuit,
Les rêves de mon pays demeurent bien éclairés.
La mer enserre mon pays,
Qui ressemble à un petit bateau en danger,
Au moindre faux pas, tous les pieds sont à l’eau,
Quel pays, je fais ce qui me plaît !
—Jean-Dany Joachim tiré de l’anthologie trilingue Cette terre, mon amour, éd. Trilingual Press, 2023)
Poème de Coutecheve Lavoie Aupont
Je t’aime face au soleil couchant
—à bon entendeur salut—
les yeux grands ouverts sur le monde
comme si tu pouvais voir
par cet amour les voyelles à l’épreuve du quotidien
au blanc de l’obscurité
la beauté se reconstruit
comme une fille à son treizième printemps
les doigts entrebâillés
nous courons après les palpitations des autres
que peut-on avouer sur un paysage étranger
si son cœur est d’ici
ta saveur est dans la terre
la rame aussi pure qu’un parchemin durci par le sel marin
le soir tu es dans la rumeur
la rosée sur tes paupières d’aubes fragilisées
le vent
le tamtam des jupes solaires
oui l’odeur noire du grand large
à plus forte raison d’aimer
l’amour est dans les yeux
ou dans l’ombre touffue des passants
j’aime cette rue
cette ville
ce pays
comme on lit l’inquiétude
sur une carte postale.
Des adolescents manifestent devant la colonne de Juillet à Paris contre le Front National le 1er mai 2002. —image par le photographe à Paris David Henry
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