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Éditorial

Dans le climat de crise continuelle où s’engouffre la société haïtienne, plus précisément dans l’actuelle conjoncture politique où le pays est virtuellement occupé par le néo-impérialisme sous une toile de fonds fasciste, avec pour objectif la «pacification» de la lutte du peuple haïtien par la voie de la normalisation de l’horreur, nous estimons, nous de l’équipe de la nouvelle revue Tambour / Tanbou, que tous les moyens—fussent-ils intellectuels ou pratiques—doivent être recherchés, recensés et mis à profit pour renforcer la lutte révolutionnaire et démocratique du peuple.

En vérité, la problématique haïtienne est d’une portée beaucoup plus tragique et urgente que ne le veulent croire plus d’uns. Et puisque l’oppression y est vécue et subie comme une pratique routinière, journalière, historique, voire permanente, la tendance actuelle, parmi surtout certains des dirigeants politiques, à droite comme à gauche, est de s’accommoder du «système», cherchant dans des «négociations» de dupes et des formulations diplomatiques houleuses des «solutions» illusoires qui ne font qu’escamoter le problème, aidant ainsi, objectivement—quoique dans la bonne foi—les objectifs de normalisation de l’horreur que poursuivent les ennemis. Au fond, c’est un grand scandale que des hommes et des femmes doivent vivre dans l’état constant de répression violente et de misère dégradante où vit le peuple haïtien. Une vie faite de sang, de chair battue, de cri, de faim et de mort. Ça ne doit plus durer, c’est inacceptable à notre conscience de peuple!

Or, malgré la coriacité de la problématique, malgré notre profonde connaissance de la tragédie, y fait malheureusement défaut une approche systématique pour l’affronter, la «crise» étant conçue, présentée et confinée à ces soubresauts sociaux épisodiques (les événements de 1946, les élections de 1957, les vagues de répression des Duvalier, les manifestations de rue, la campagne électorale lavalas, l’odyssée des réfugiés, etc.) qui ne sont en fait que les manifestations symptomatiques d’un mal plus profond: le problème de l’exploitation de l’homme (et de la femme) par l’homme, d’une classe par une classe ou d’une race par une autre race; bref, le problème de l’oppression universelle. Cependant, rien ne dit que l’oppression ne puisse être vaincue: loin de là, l’Histoire montre amplement le contraire… Ce sera donc la fonction du Journal: rechercher et recenser le possible. Nous pousserons la discussion jusqu’à ce que nous n’ayons d’autre choix que de trouver la solution. La solution aux problèmes, la réponse à la question.

Le Journal intensifiera donc les questionnements sur les moyens pour sortir définitivement de la crise. Nous insisterons surtout sur une approche systématique pour appréhender la problématique. Les semeurs de désespoir et les gouverneurs de la rosée y seront départagés selon que les uns défendent la perpétuation de la barbarie, et les autres l’établissement d’une société de droit, de justice sociale et de fraternité en Haïti.

La Revue sera un organe essentiellement révolutionnaire, selon la formule de l’un de ses fondateurs, parce que nous encouragerons la participation collective, massive, combative à l’élaboration de notre propre destinée; nous situant à la fois loin et contre l’ennemi, en dehors de son champ intellectuel de mystification et d’aliénation. Nous combattrons l’oppression de l’homme par l’homme par les moyens qui nous seront ici présentés, tout en encourageant et participant avec les autres dans la quête d’autres moyens. Nous demanderons incessamment à ce que les privilèges des exploiteurs et la domination impérialiste soient déchouqués du sol d’Haïti. Ce qui ne nous empêchera pas de consacrer d’autres pages du journal pour rire, chanter, jouer, rêver, et vivre les mondanités de la vie.

Nous estimons aussi que la portée contestataire du front intellectuel, littéraire et culturel n’est pas assez exploitée; sa capacité à imaginer l’impossible, à déstabiliser la prison mentale tout en demandant le possible, n’est pas suffisamment explorée. Nous veillerons à ce que la zombification existentielle soit dépassée et remplacée par un travail de rééducation continuelle, d’après le concept freirien d’éducation de la libération.

Le Journal sera surtout un grand forum intellectuel où toute la gauche haïtienne retrouvera sa voix, sa voie, ses questionnements et ses inquiétudes. Elle y déversera ses utopies, ses doutes, sa grandiloquence, ses rêves, sa turbulence révolutionnaire dans une grande coumbite d’idées, un grand brassage d’imaginations, pour redéfinir le Réel, pour réinventer la vie, pour exiger l’emploi de la justice immanente, c’est-à-dire la pratique temporelle, quotidienne, de la civilisation de droit fondée sur le respect de l’Autre, sur les principes de l’autodétermination des peuples, de l’équitable distribution des biens sociaux, de la fraternisation humaine.

Faut-il dire qu’une telle perspective et de tels objectifs exigent la participation de tous? Aussi Tambour invite-il tous les compatriotes conséquents, femmes comme hommes, à venir soutenir et consolider ce grand projet de ré-appropriation de notre destin de peuple.

Véronique Jean-Pierre nan yon manifestasyon demokratik nan Tremont Street, Downtown Boston, an 1990. Gen moun ki rele manmzèl «Mandan Lavalas» paske li toujou defann avèk anpil pasyon revandikasyon mouvman rezistans demokratik la kont koudeta anti-popilè Cedras la, avèk yon adorasyon san kondisyon pou pè Titid. —fotografye pa David Henry.

Véronique Jean-Pierre nan yon manifestasyon demokratik nan Tremont Street, Downtown Boston, an 1990. Gen moun ki rele manmzèl «Mandan Lavalas» paske li toujou defann avèk anpil pasyon revandikasyon mouvman rezistans demokratik la kont koudeta anti-popilè Cedras la, avèk yon adorasyon san kondisyon pou pè Titid. —fotografye pa David Henry

Repères

1. Ligne éditoriale:

  1. Tambour / Tanbou est une revue à caractère révolutionnaire et anti-impérialiste; elle défend le principe de l’autodétermination des peuples, dans le respect de leurs particularités culturelles et politiques.
  2. L’actuelle stratégie américaine et des autres puissances impérialistes pour placer Haïti sous tutelle sera combattue avec force. Tambour / Tanbou demandera avec insistance et vigueur qu’aucune force militaire étrangère n’intervienne en Haïti, et luttera—si cela arrive—pour que ces forces étrangères quittent le sol haïtien le plus vite que possible.
  3. Sur le front culturel, la Revue adoptera les principes de ce que nous appellerons l’anthropologie reversée, c’est-à-dire une méthodologie de réflexion qui rejette totalement les prémisses racistes, paternalistes et dominatrices des modes de pensée de l’Occident. Elle se donnera pour mission d’honorer, de promouvoir et de développer les vraies valeurs haïtiennes. Nous demanderons la parité universelle entre les cultures, manifestée dans un rapport d’égalité, de verticalité, non hiérarchisé. Notre vodou, notre créole, nos manières d’être et nos particularités seront mis en relief, célébrés et revalorisés à travers toutes les pages du Journal. L’objectification déshumanisante et l’infériorisation internalisée où veulent nous acculer les oppresseurs et leur épistémologie capitaliste seront combattues par une accentuation sur nos propres potentialités et richesses culturelles en tant que sujets de l’Histoire, c’est-à-dire en tant que moun ki granmoun lakay yo e ki renmen tèt yo. Ce que Fanon appelle «le regard de l’Autre», de l’opprimé, regard chargé de questionnement et d’angoisse, est aussi le regard de l’intelligence, de l’imagination, de la rébellion. Puissante, paternaliste et dominatrice, la machine d’oppression invente tout un réseau de perversion de l’Entendement et de rationalisation de la barbarie qui défie l’esprit lui-même. L’Autre est défini et désigné comme l’ennemi à exploiter, à dominer, à abattre. Tout s’enclôt dans cet espace restreint, étouffé. Or, rien ne dit que ce «regard» ne peut être reversé, tourné vers l’oppresseur, lui renvoyant les reflets et échecs de ses turpitudes, par une praxis, un challenge continuel pour sauver ce dont les Haïtiens ont lutté toute leur vie pour atteindre: la liberté, l’égalité et la fraternité dans la dignité, c’est-à-dire notre avenir.

2. Engagement communautaire:

Pour être une revue haïtienne en diaspora, le Journal se penchera sur les problèmes qui affectent les Haïtiens et Haïtiennes partout où ils se trouvent, y compris bien entendu en Haïti; mais il portera également un regard spécial sur les tribulations locales que confronte la communautés haïtiennes en diaspora. Les problèmes du racisme, de la brutalité policière ou tout autre abus des droits de l’homme et de la femme seront attaqués dans les pages du journal. L’arbitraire sera combattu sur tous les fronts.

3. Parution et distribution:

  1. Le Journal paraîtra principalement en français et en créole, mais avec des espaces réservés pour des textes d’études en anglais susceptibles de toucher les jeunes Haïtiens et Haïtiennes anglophones.
  2. Le Journal paraîtra chaque mois et sera distribué (et représenté) à la fois dans le Dixième Département et en Haïti.

—Tambour / Tanbou

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