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Quand nos pinceaux ont tremblé

En mémoire du séisme en Haïti

Un projet de l’Assemblée des Artistes Haïtiens du Massachusetts en collaboration avec les amis d’Haïti

L’émancipation d’Haïti au milieu des pays esclavagistes et des puissances coloniales expansionnistes a rendu difficile, dès le départ, sa lutte pour son autodétermination. Néanmoins, en dépit de ses nombreux défis économiques et politiques, Haïti est devenue le symbole de la volonté et de la liberté des Noirs au 19ème siècle, et depuis lors elle a joui de l’empathie et de l’amour de nous tous qui chérissons la justice et l’autonomie. Tout au long de son histoire, deux atouts ont supporté Haïti et renouvelé la vision de son potentiel. Ce sont son imagination et sa résilience. Durant sept décennies, imagination et résilience ont imprégné profondément les arts visuels haïtiens. En combinant des aspects du surréalisme et du réalisme merveilleux pour créer un style de narration intuitive et visionnaire qui leur est caractéristiquement propre, les artistes haïtiens ont gagné une place distinctive dans le modernisme du 20ème siècle.

“To my Brother in Heaven” by Joseph M. Chéry, acrylic on canvas, 24x48, 2011.

“To my Brother in Heaven” by Joseph M. Chéry, acrylic on canvas, 24x48, 2011.

In Haïti, des communautés énergiques d’artistes visuels prennent forme rapidement, produisant des fresques et des peintures de chevalet, aussi bien que des décorations spéciales traditionnelles associées avec les besoins rituels du vodou. Les sculpteurs en relief travaillant notamment sur de l’acier et du fer ont développé une production parallèle. De par son dynamisme, l’art haïtien s’est répandu dans des nouvelles directions et engendré des centres régionaux ou des écoles. Ces centres fusionnent l’expression imaginaire locale avec les influences de la diaspora haïtienne et d’autres mouvements académiques et internationaux. L’un de ces centres, Jacmel, une ville au bord de la mer, se distingue par ses nombreux artistes.

Un intérêt soutenu de l’art haïtien est la fascination de la narration. En effet, la narration ou le récit d’histoires a persisté dans l’art haïtien peu importe le style de l’œuvre. Dans ce contexte, ce n’est pas surprenant que le séisme du 12 janvier 2010 a inspiré toute une nouvelle vague d’œuvres d’art qui offrent un moyen de faire face aux traumas et aux souffrances émotionnelles causés par le désastre. L’art maintient et régule la mémoire du tremblement de terre. Simultanément, l’art témoigne de la puissance de l’imagination et de la force de l’espoir. Il dépeint la renaissance et la reconstruction, ainsi que l’irrépressible volonté de vivre du peuple haïtien quoiqu’il advienne. L’art confirme la vitalité de l’esprit haïtien quand il est confronté par des calamités. Cette capacité pour faire face à demain et garder l’espoir est évidente dans les couleurs et la résonance de l’art de Jacmel, qualités qui se manifestent quand on s’attendrait plutôt à la grisaille et aux sombres éclaboussures de sang étant donné l’impact tragique du séisme. Pendant que le désespoir existentiel n’est pas totalement absent, il n’est certes pas le ton prédominant d’un art où un stoïcisme positif prévaut. L’art affirme la volonté d’avancer un jour à la fois tout en reconstruisant sa vie. En fin de compte il reflète non pas la résignation, mais plutôt la détermination. Il documente la destruction de la ville et de la campagne comme un fait historique, mais son énergie est renouvelée par une foi tenace qu’un futur est possible aussi longtemps qu’on continue à avancer. Les fondements de telles croyances ne viennent pas d’un optimisme écervelé, mais plutôt d’une expérience historique que possède le peuple haïtien, et d’où il puise la force d’imaginer encore des lendemains meilleurs.

—Edmund Barry Gaither Conservateur, Musée du Centre National des Artistes Afro-Américains
(Traduit de l’anglais par Mario Malivert)

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