—par Franck Laraque
Le 4 juin 2007 marquera le centième anniversaire de naissance de Jacques Roumain, né le 4 juin 1907 à Port-au-Prince. Poète, romancier, essayiste, ethnologue, journaliste, diplomate, il est probablement le plus célèbre et le plus aimé de nos arbres musiciens. “Langston Hughes, des Etats-Unis, Nicolas Guillén, de Cuba et Jacques Roumain d’Haïti, sont les trois poètes de couleur qui alimentent leur vocation poétique à la source vitale de leurs peuples respectifs, sans distinction de race”, a dit Paul Laraque (Rencontre #4 Cresfed, 1993). L’objectif prioritaire de ces trois grands amis et frères de combat était d’intégrer, malgré des obstacles apparemment insurmontables, les classes démunies dans le circuit économique, social et culturel de leurs pays. Pour montrer rapidement différents aspects du génie qu’était Jacques Roumain, nous alignerons des citations de témoignages de quelques grands écrivains et patriotes:
«La multidimensionalité de Roumain allie l’art et la militance, l’humanisme et le scientifique. Il en résulte une capacité peu commune de pénétrer le culturel et le social jusqu’aux profondeurs de l’existence de ceux qui vivent et qui luttent.» (Gérard Pierre-Charles in Rencontre #4)
«Il grandit dans le compagnonnage de nos moissons, de nos souvenirs d’épopée, de notre petit peuple, de ses couleurs et de ses papillons.. Il devint “une rose de raison”, une force impétueuse, redoutable, calme et contrôlée, une aile dans le vent… Les peuples sont des arbres qui fleurissent malgré la mauvaise saison, à la belle saison, notre arbre continue à vivre. Un peuple qui vient de produire un Jacques Roumain ne peut pas mourir. Roumain est une immortelle qui fertilise nos ramures par son amour universel. Tous les grands Haitiens qui fleuriront désormais sur notre sol ne pourront pas ne pas lui devoir quelque chose.» (Jacques Stéphen Alexis “Jacques Roumain Vivant” reproduit dans Rencontre #4)
«Il était magnanime. Il était incommensurable, les pieds dans la poussière, la tête dans l’infini. C’était in prince de bonté, un messager lumineux dont le glaive fleuri était humide encore de la rosée des champs. Roumain demeure l’un des plus grands parmi les hommes qu’Haiti ait jamais enfantés et nourris. Un jour, au milieu de la cité, le peuple ému lui élèvera un monument à sa mesure de géant.» (Anthony Lespès “Pour Défendre Jacques Roumain” reproduit dans Rencontre # 4)
Jacques, le personnage de ce poème,
murmurait parfois
—Haiti est une éponge trempée dans le sang.
Qui va exprimer l’éponge, l’insatiable éponge? Peut-être lui,
avec sa rage séculaire. Peut-être lui,
avec ses doigts de songe. Peut-être lui,
avec sa force de songe céleste…
Peut-être.
(Nicolas Guillen “Élégie à Jacques Roumain” in Rencontre #4)
je te dis liberté
et c’est un mot de paix
c’est un mot comme tracteur barrage engrais
je t’amène par la main aux sources de la vie
voici des peuples la grande assemblée
pour la récolte dans la rosée
(Paul Laraque «une seule voie» à la mémoire de Jacques Roumain, in Œuvres Incomplètes)
Elle marche,
Et c’est une scène d’une grandeur simple
et inoubliable,
Elle est ta femme,
mais elle est aussi ta camarade,
Elle est ta camarade,
mais elle est aussi une immense douleur,
un pauvre être ébranlé,
Elle seule sait ce qu’elle a perdu
et mesure
de tout son déchirement militant
quel irréparable recul
nous avons fait ce soir terrible.
(Jean F. Brierre «Elle Marche!» in Nous garderons le dieu, un recueil de 22 poèmes, en hommage à Roumain)
«Le message de Manuel dans Gouverneurs de la Rosée demeure actuel. Dans ce roman, il fallait sauver l’eau. Aujourd’hui, il faut ensemble sauver le pays par le rétablissement de la sécurité dans un grand Konbit national au son du tambour fraternel.» (Franck Laraque «La sécurité nationale, la priorité et le devoir civique de tous les Haïtiens» in Haiti:La Lutte et l’Espoir)
Des organisations haïtiennes et étrangères se préparent à célébrer cet anniversaire. Il est donc approprié de rappeler que le parti «En Avant» et «L’Heure Haitienne» ont pris l’heureuse initiative de commémorer en 1977, à Columbia University, New York,, avec le concours de Paul et de Franck Laraque, le soixante-dixième anniversaire de naissance de Roumain. Voici un résumé du programme du Mémorial Jacques Roumain:
«Modérateur: un membre de «L’Heure Haitienne»
Première partie en anglais. Conférenciers ou intervenants: Paul Laraque, écrivain-activiste, René Bélance, écrivain-professeur à Brown University, Martha Cobb (USA), Présidente de la Section des Langues Romanes (Howard University), Franck Laraque, écrivain-professeur au City College, NY, Bruce Berlind (USA) professeur à Colgate University, Cary Hector, écrivain-professeur à l’Université de Québec, poème à Jacques Roumain d’Andrew Salkey (Jamaica), poète-professeur à Amhurst College, Roberto Marquez (Porto Rico), écrivain-professeur à Amhurst College.
Deuxième partie en créole. Lucas Prémice, syndicaliste, ami de Roumain, Ghislaine Rey Charlier, écrivain-activiste, Paul Laraque, un membre d’«En Avant», un show culturel (poésie, chants, danses avec «Atis Endepandan», Maryse Coulanges, Wanda Wiener, Arnold Elie, The Shango Troup, Tite Pascal. Scènes de Gouverneurs de la Rosée.)
La version française remaniée de la conférence prononcée en anglais par Franck Laraque lors de ce Mémorial est publiée ci-après.