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L’anniversaire d’une « pacification »

Madagascar fight for independence

Un combattant nationaliste malgache —source: Face to face Africa.

Il y a 124 ans, le 6 août 1896, le royaume de Madagascar devenait officiellement une colonie française. Cette annexion se réalise après une guerre de conquête longue qui débuta dès 1883. Cette guerre meurtrière fut dirigée par Joseph Gallieni que les manuels d’histoire continuent à glorifier aujourd’hui. La guerre est approuvée par tous les grands partis et leaders de l’époque. Jean Jaurès lui-même approuve l’intervention en demandant « le traitement le plus humain, le maximum de garanties » pour les Malgaches. La résistance est massive.

L’insurrection dite des « Menalamba » (les toges rouges) commencée à Tananarive s’étend rapidement à une grande partie de l’île. En riposte Gallieni fait arrêter toutes les personnalités malgaches, même les plus modérées. Des simulacres de procès conduisent à des exécutions. Il s’agit selon ses propres termes de faire un exemple pour décourager la révolte. Le Petit Journal du 22 novembre 1896 écrit: « Comme il fallait une leçon aux révoltés, on s’est emparé de deux grands personnages qui avaient pactisé avec eux (Les toges rouges), ce sont le prince Ratsimamanga et le ministre de l’intérieur Rainandriamampandry ; tous deux ont été jugés, condamnés et fusillés, le tout avec une rapidité qui inspirera des réflexions salutaires à leurs complices. »

La défaite du peuple Malgache ne met pas fin à la résistance. Pendant encore une décennie des combats et des insurrections auront lieu. Ils seront tous réprimés dans le sang avec comme point culminant le massacre d’Ambiky en août 1897. Mais même ce massacre ne met pas fin à la résistance. Dans son livre Neuf ans à Madagascar Gallieni décrit comme suit la situation en 1900 : « Deux vastes régions étaient encore insoumises, ou complètement impénétrées. C’étaient à l’est : la zone forestière […] et au sud, le pays des Mahafaly et des Antandroy. Ces contrées n’étaient pas les seules où la pacification restait à achever, mais la question s’y posait d’une façon particulièrement nette et il importait de la résoudre. »

Comme Madagascar est une nation ancienne dotée d’un royaume depuis longtemps, les colonisateurs tentent de briser les symboles nationaux. La « fête du Bain » (Fandroana, le 22 novembre) est interdite et remplacée par le 14 juillet en 1897. La Marseillaise est imposée mais en changeant les paroles compte tenu de leur récupération possible par les insurgés : au lieu de « Aux armes citoyens… », ils sont amenés à chanter : « Puisque la France est notre mère, l’objet de notre orgueil, crions : Bravo ! Bravo ! Acclamons-la, aux Malgaches ! »

Les insurgés prisonniers sont contraints au travail forcé dans des conditions qui mènent à des milliers de nouvelles victimes. Le nombre de morts est tel que même les colons s’en inquiètent par crainte de ne pas avoir assez d’hommes à exploiter : « M. le Gouverneur ; Comme nous tous vous êtes au courant de la mortalité effrayante qui frappe les prestataires employés à la construction de la route de Tananarive-Tamatave : elle a atteint dans ces derniers mois une proportion si grande qu’on peut prévoir qu’à brève échéance, la population, même la plus valide des hauts plateaux, sera tellement réduite que les colons ne pourront bientôt plus rien entreprendre, tant au point de vue du commerce que de l’agriculture et de l’industrie ». Il y a effectivement une « œuvre coloniale » à Madagascar (routes et chemin de fer) mais cela s’est réalisé au prix d’un massacre de grande ampleur.

Le seul député anticolonialiste conséquent décrit comme suit les violences de la « pacification » : « Surprise sans défiance, sans moyen de résister, la population entière est passée au fil des baïonnettes. Pendant une heure, ceux qui n’avaient pas été tués du premier coup cherchent à fuir ; traqués par nos compagnies noires, on les voit, vêtus de leur sang ruisselant des blessures fraîches, courir affolés, atteints et frappés de nouveau, trébuchant sur les corps de leurs camarades, ou allant donner contre les armes impitoyables des réserves postées aux issues. Le roi Touère, les personnages de marque, tous les habitants tombèrent sous les coups des mitrailleurs dans cette matinée ; les tirailleurs n’avaient ordre de tuer que les hommes, mais on ne les retint pas : enivrés de l’odeur du sang, ils n’épargnèrent pas une femme, pas un enfant. Quand il fit grand jour, la ville n’était plus qu’un affreux charnier dans le dédale duquel s’égaraient les Français, fatigués d’avoir tant frappé. »

La résistance n’a jamais cessé. L’« œuvre civilisatrice » n’est que violence et barbarie.

Texte de FUIQP : Front uni des immigrants et des quartiers populaire

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